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Les dispositions de la loi pacte relatives aux commissaires aux comptes

Le gouvernement a décidé de modifier l’exercice de l’audit légal en France. Cette modification résulte des dispositions de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE. Nous vous présentons l’essentiel de ces modifications qui seront susceptibles d’avoir des conséquences lors de ces prochaines années.

I/Nouvelles conditions de nomination des commissaires aux comptes

Cette modification se traduit par un alignement des seuils pour toutes les formes de sociétés commerciales.

1) La société prise individuellement

Désormais, pour toute société commerciale, le dépassement de deux des trois seuils suivants à la clôture de l’exercice social entraine l’obligation de nommer un commissaire aux comptes:

  • 4 millions d’euros de total bilan
  • 8 millions d’euros de chiffres d’affaires HT
  • 50 salariés

La loi PACTE maintient les mandats des commissaires aux comptes actuellement en cours jusqu’à leur terme, indépendamment des seuils évoqués. En revanche, et dès lors que deux de ces trois seuils ne sont plus atteints au cours des deux précédents exercices, la nomination du commissaire aux comptes n’est plus obligatoire.

2) En présence d’un petit groupe de sociétés

La Loi PACTE a également institué des seuils devant être appréciés globalement au niveau des groupes de sociétés.

Il convient alors de distinguer le régime applicable aux sociétés-mères (personne morale contrôlant une autre société – dite tête de groupe) et filles (personne morale contrôlée -dite filiale- par une société dite mère).

a) Régime applicable à la société tête de groupe (Article L. 823-2-2 alinéa premier du Code de commerce)

Une société-mère, quelle que soit sa forme et ses états financiers comptables appréciés individuellement, est dans l’obligation de nommer un commissaire aux comptes si à la clôture du dernier exercice, l’ensemble qu’elle forme avec les sociétés qu’elle contrôle - le petit groupe - dépasse deux des trois seuils suivants,cités précédemment: 4 millions d’euros de total bilan;8 millions d’euros de chiffres d’affaires; 50 salariés.

b) Régime applicable aux filiales significatives (Article L. 823-3-2 alinéa dernier du Code de commerce)

Les filiales contrôlées par ces têtes de groupe doivent désigner un commissaire aux comptes si elles dépassent deux des trois seuils suivants, appelés «petits seuils»:

  • 2 millions d’euros de total bilan
  • 4 millions d’euros de chiffres d’affaires
  • 25 salariés

A titre d’exemple, une société filiale serait tenue de nommer un commissaire aux comptes dès lors que les «petits seuils» (2/4/25) seraient atteints.

Exemple:

La Société A a réalisé au cours de l’exercice un chiffre d’affaires de 0,2 millions d’euros, un total bilan de 0,1 million d’euros et n’emploie aucun salarié. Prise individuellement, cette société n’est pas tenue de désigner un commissaire aux comptes.

La société B, contrôlée par la société A au sens de l’article L 233-3 du Code de Commerce, a quant à elle réalisé au cours de l’exercice un chiffre d’affaires de 4 millions d’euros, un total bilan de 2 millions d’euros et comprend un effectif salarié de 25 personnes.

La société B atteignant les «petits seuils», elle est alors tenue de nommer un commissaire aux comptes.

Comme nous pouvons le voir dans cet exemple, le critère déterminant est celui de la société contrôlée.

c) La désignation d'un commissaire aux comptes dans les sociétés qui ne répondent pas aux seuils individuels ou groupe

La Loi PACTE prévoit la possibilité pour les associés d’une société qui ne dépasserait pas les seuils individuels ou de groupe la désignation volontaire d’un commissaire aux comptes. Cette disposition n’est pas novatrice.

Outre la modification des conditions de nomination des commissaires aux comptes, la loi PACTE a créé deux nouvelles missions pour ceux-ci.

II/- La création de la mission Petite Entreprise (PE)

Le législateur, dans ses objectifs, a souhaité alléger les procédures d’audit légal des sociétés commerciales. Ce dernier qualifie désormais la notion de petite entreprise. Cette dernière reprend les seuils d’audit obligatoires que nous rappelons. : 4 millions d’euros de total bilan; 8 millions d’euros de chiffre d’affaires; 50 salariés. Dès lors que deux des trois seuils rappelés ne sont pas dépassés, la Loi PACTE institue deux types catégoriels de mission.

  • La mission «ALPE» d’une durée de trois exercices.
  • la mission Petite Entreprise ( PE) de six exercices.

1) La mission Petite Entreprise (PE) de 3 exercices, dite mission«ALPE»

Cette dernière prévoit la possibilité de limiter la durée du mandat à 3 exercices. Cette limitation est applicable à la fois dans le cadre d’une nomination volontaire ou obligatoire. Cette nouvelle mission d’audit légal est destinée aux petites entreprises. Son référentiel est appelé mission «ALPE».

Le commissaire aux comptes n’est plus dans l’obligation de procéder à certaines obligations légales comme les vérifications spécifiques. De même, les normes d’exercice professionnelles, en cours de rédaction, prévoient un allégement de ses diligences d’audit par comparaison avec une mission classique.

Cependant, dans le cadre de cette mission, le Commissaire aux comptes doit établir un rapport sur les risques identifiés ou qui seraient à identifier. Nos premières évaluations aboutissent à la réalisation de diligences importantes impliquant de communiquer sur les risques identifiés. Cette communication engagera la responsabilité du commissaire aux comptes et celle du dirigeant (y compris sur des risques qui n’auraient pas été identifiés).

En outre, cette mission ne décharge pas le commissaire aux comptes de son obligation de révéler les faits délictueux au Procureur de la République ni de celle de la procédure d’alerte.

Cette nouvelle mission peut ainsi constituer en l’état actuel une source de risque potentiel tant pour le dirigeant que pour le commissaire aux comptes.

Nous considérons que ce type de mission est incertaine dans sa définition et, en l’état actuel des textes à paraître sur son application, notre cabinet serait enclin à ne pas recommander l’application de cette mission.

2) La mission Petite Entreprise de six exercices dite mission PE six exercices

Ce référentiel a été élaboré afin de rendre applicable le référentiel d’audit PE de la norme ALPE, évoquée ci-dessus.

Ainsi, la mission PE 6 exercices présente des avantages semblables à la mission «ALPE», à savoir un allégement des diligences d’audit, qui deviennent ainsi adaptées à la taille de la société auditée, mais ne contraint pas le commissaire aux comptes à établir un rapport sur les risques.

Nous rappelons que ce rapport est susceptible de constituer une zone potentielle de risque tant pour le commissaire aux comptes que pour le dirigeant.

A l’inverse de la mission «ALPE» de 3 exercices, la mission PE 6 exercices implique de la part du commissaire aux comptes le contrôle des vérifications spécifiques identiques aux missions «classiques» de 6 exercices.

La mission PE 6 exercices est donc adaptée à la taille de l’entreprise et demeure moins contraignante que la mission «classique».

Notre cabinet vous engage à adopter cette mission, qui reste adaptée à la taille de votre entreprise en intégrant des contraintes d’audit elles-mêmes adaptées et proportionnées.

Le tableau suivant récapitule les normes d’exercices professionnelles à mettre en œuvre par le commissaire aux comptes suivant la situation :

  Toutes les NEP Norme ALPE Norme PE & exercice
Sociétés > Seuils 4/8/50 et autres entités soumises à l'obligation de nommer un CAC y compris si têtes de petits groupes  x    
Sociétés (hors petits groupes) < Seuils 4/8/50 et CAC nommé sur une base volontaire    x  x
Sociétés PE filiales de petits groupes > Seuils filiales significatives 2/4/25    x  x
Sociétés têtes de petits groupes* < Seuils 4/8/50    x  x
Entités autres que sociétés < seuils 4/8/50 et CAC nommé sur une base volontaire      x
Entités têtes de petits groupes autres que sociétés < Seuils 4/8/50      x

*sauf si l'entité tête de ce groupe est elle-même contrôlée par une entité ayant un CAC

III/ Récapitulatif des nouvelles conditions de nomination et des différentes missions du commissaire aux comptes

1) Schéma synthétique des entités concernées par la nomination commissaire aux comptes

Pour rappel, afin de déterminer si une société doit ou non nommer un Commissaire aux comptes, il convient dans un premier temps de s’interroger sur les seuils de la société seule puis sur ceux du petit groupe de sociétés (mère et fille). A noter qu’au sein du groupe, il conviendra d’identifier les petits groupes qui le composent. Enfin il ne faudra pas exclure les filiales significatives évoquées ci-avant qui seules peuvent conduire à la nomination obligatoire d’un commissaire aux comptes.

Personne ou entité mère < Seuils UE

CAC obligatoire*
Mission 3 exercices
ou mission 6 exercices

Personne ou entité mère > Seuils UE

CAC obligatoire*
Mission 6 exercices

Société fille < Seuils filiale significatives

Pas de CAC sauf volontaire
Mission 3 exercices
ou mission 6 exercices

Société fille > Seuils UE

Mission 6 exercices obligatoire

Seuils UE > Société fille > Seuils filiales significatives

Mission 3 exercices
ou mission 6 exercices

*Sauf si la mère du petit groupe est elele-même contrôlée par une entité ayant un CAC

2) Tableau de présentation des conditions et des missions pour des entités appartenant à un petit groupe

Tableau récapitulatif

Entités concernées par la désignation d’un commissaire aux comptes dans un « petit groupe » en deçà des seuils de consolidation

Tête de « petits groupes » non EIP et

sans obligation de consolidation > seuils individuels UE

Désignation d’un commissaire aux comptes obligatoire

Mission classique de 6 exercices

Tête de « petits groupes » non EIP et/ou sans obligation de consolidation

- < seuils individuels UE

- non contrôlée par une personne ou entité ayant désigné un commissaire aux comptes

Désignation d’un commissaire aux comptes obligatoire

Possibilité pour la société d’opter pour une mission ALPE « 3 exercices » ou PE 6 exercices

Filiale significative> seuils individuels UE

(Raisonnement à tenir filiale par filiale)

Désignation d’un commissaire aux comptes obligatoire

Mission classique de 6 exercices

Filiale significative non EIP contrôlée directement ou indirectement < seuils individuels UE

(Raisonnement à tenir filiale par filiale)

Désignation d’un commissaire aux comptes obligatoire

Possibilité pour la société d’opter pour une mission ALPE « 3 exercices » ou PE 6 exercices

Autres filiales non EIP du groupe en-deçà des seuils fixés par décret (deux des trois critères) = filiales non significatives

Pas de désignation de commissaire aux comptes obligatoire

Uniquement commissaire aux comptes sur base volontaire

Possibilité pour la société d’opter pour une mission ALPE « 3 exercices » ou PE 6 exercices

IV/- L’entrée en vigueur des nouvelles modalités de la Loi PACTE

Les changements apportés par la loi PACTE s’appliquent à compter du 1er exercice clos à partir du 27 mai 2019.

Les mandats des commissaires aux comptes en cours se poursuivent jusqu’à leur terme. Les sociétés qui ne dépassent pas les nouveaux seuils, au titre du dernier exercice clos avant le 27 mai 2019, peuvent décider avec leur commissaire aux comptes des modalités d’exécution de son mandat jusqu’à son terme.

Le législateur a souhaité modifier substantiellement le périmètre des missions des commissaires aux comptes en instituant un allégement des procédures d’audit et en créant deux nouveaux référentiels. Toutefois, et en l’état actuel des développements, la mission ALPE reste relativement peu documentée et ne devrait pas constituer dans le futur un choix primordial tant cette mission peut être porteuse d’incertitudes sur les risques identifiés et à identifier.

Dominique LAMBIN

Commissaire aux comptes inscrit

Renaud REISSIER

Commissaire aux comptes inscrit